Zoom sur l'inaptitude du salarié
L’inaptitude d’un salarié survient lorsqu’il est déclaré médicalement inapte à occuper son poste, suite à un examen du médecin du travail. Cette inaptitude peut avoir une origine professionnelle(accident du travail ou maladie professionnelle) ou non-professionnelle. Voici quelques éclaircissements apportés par la Cour de cassation.
Constat de l’inaptitude pendant un arrêt maladie
L’inaptitude physique est généralement constatée lors de la visite de reprise, qui a lieu à l’issue de l’arrêt de travail. Toutefois, le médecin du travail peut également constater cette inaptitude lors de toute visite médicale, indépendamment des examens d’aptitude à l’embauche, des visites périodiques ou de prévention.
Un salarié peut demander une visite anticipée s’il pressent un risque d’inaptitude afin de bénéficier d’un accompagnement en vue de son maintien dans l’emploi (article R 4624-34 du Code du travail). Le médecin du travail peut alors le déclarer inapte, même si cette visite a lieu durant la suspension du contrat de travail (Cass. Soc., 24 mai 2023, n°22-10.517).
Reclassement
Lorsqu’un salarié est déclaré inapte, l’employeur doit lui proposer un autre poste adapté à ses capacités, en prenant en compte les recommandations du médecin du travail et après consultation du CSE. L’emploi proposé doit être aussi proche que possible du poste précédent, si nécessaire avec un aménagement du temps de travail.
L’obligation de reclassement est respectée si l’employeur a bien tenu compte des recommandations du médecin du travail.
Reclassement avant les précisions du médecin du travail
Si, à l’issue des recherches, aucun poste n’est disponible, le salarié peut être licencié. Toutefois, un licenciement sans une recherche de reclassement loyale et complète est injustifié. Par exemple, diffuser une recherche de reclassement au sein du groupe sans attendre les précisions du médecin du travail ne suffit pas (Cass. Soc., 27 mars 2024,n° 22-16.096).
Si l’avis d’inaptitude concerne un seul site, l’employeur doit rechercher un reclassement dans les autres établissements. Il est toutefois dispensé de cette recherche si le médecin du travail indique que tout maintien serait gravement préjudiciable à la santé du salarié ou impossible (Cass. Soc., 13 décembre 2023, n° 22-19.603).
Refus d’un reclassement à temps partiel
Un employeur peut licencier un salarié inapte s’il refuse un poste conforme aux recommandations du médecin du travail, même si ce poste implique une réduction de salaire (Cass. Soc., 13 mars 2024, n°22-18.758).
Période probatoire en cas de reclassement
Lors d’un changement de fonction, employeur et salarié peuvent convenir d’une période probatoire. Si cette dernière s’avère non concluante, l’employeur doit replacer le salarié dans ses fonctions précédentes (Cass. Soc., 7 mai 2024, n° 22-20.857).
Reprise du paiement du salaire
Si, un mois après la visite médicale de reprise, le salarié inapte n’a été ni reclassé ni licencié, l’employeur doit reprendre le versement du salaire, même en cas de refus d’un reclassement conforme aux préconisations du médecin du travail (Cass. Soc., 10 janvier 2024,n° 21-20.229).
Délai de prescription pour l’indemnisation en cas de licenciement
Un licenciement pour inaptitude découlant d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail ouvre droit à une indemnité spéciale égale au double de l’indemnité légale de licenciement. Le salarié dispose d’un délai d’un an pour réclamer cette indemnité (Cass. Soc.,21 juin 2023, n° 22-10.539).
Licenciement économique et inaptitude
Un salarié inapte peut être licencié pour motif économique, à condition que l’employeur respecte d’abord l’obligation de reclassement. Toutefois, si l’entreprise cesse totalement son activité, ce reclassement devient impossible et le licenciement économique est alors justifié (Cass. Soc., 14 février 2024, n° 21-24.135).
Contestation de l’inaptitude
Le salarié ou l’employeur peut contester un avis du médecin du travail devant le Conseil de prud’hommes (article L. 4624-7du Code du travail).
Quelques points de jurisprudence :
- Point de départ du délai de contestation : le délai ne court pas si rien ne prouve que l’avis a été remis au salarié (Cass. Soc., 13 décembre 2023, n° 21-22.401).
- Réexamen de l’avis : le juge doit substituer sa décision à l’avis contesté et ne peut se contenter de l’annuler (Cass. Soc., 25 octobre 2023, n° 22-18.303).
- Suspension du délai de reprise du salaire : la contestation de l’avis d’inaptitude ne suspend pas le délai d’un mois pour la reprise du versement du salaire (Cass. Soc., 10 janvier 2024, n° 22-13.464).
- Transmission du dossier médical : seuls les éléments ayant fondé l’avis d’inaptitude peuvent être transmis au médecin mandaté par l’employeur (Cass. Soc., 13 décembre 2023, n° 21-22.401).